mercredi 7 août 2013

Ramadan et Aïd el Fitr 2013 : de la sagesse de la vision du croissant lunaire

Fin du Ramadan 2013 - 1434. La méthodologie pour déterminer l’entrée du mois de Ramadan est depuis des siècles sujet d’échanges entre les 3ulémas. Des divergences qui ont ressurgies cette année lors de la nuit du doute, certains ayant suivi la méthode du calcul astronomique, d’autres la vision du croissant lunaire explicitement indiquée par le Prophète [...]
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Fin du Ramadan 2013 - 1434. La méthodologie pour déterminer l’entrée du mois de Ramadan est depuis des siècles sujet d’échanges entre les 3ulémas. Des divergences qui ont ressurgies cette année lors de la nuit du doute, certains ayant suivi la méthode du calcul astronomique, d’autres la vision du croissant lunaire explicitement indiquée par le Prophète salallahou ‘aleyhi wa salam. Ainsi, nous avons souhaité apporter quelques éléments de réponses.
Nous tenons à rappeler par ces lignes, que notre ambition n’est pas de désavouer ni de discréditer la méthode du calcul en tant que méthodologie marginale mais reconnue en Islam. Nous souhaitons simplement indiquer que les musulmans (imams, responsables de mosquées, responsables associatifs) s’étant appuyés sur l’avis majoritaire (détermination du mois par vision du croissant lunaire) ne l’ont pas fait par refus du modernisme mais par désir de ne pas délaisser une tradition prophétique explicitement mentionnée et pratiquée depuis des siècles quand bien même le calcul astronomique était connu des fuqaha (juristes).

La vision du croissant lunaire : objet de consensus

La détermination du début du mois de Ramadan par la vision du croissant lunaire est l’objet d’un consensus des 3ulémas. Ibn Rushd Al Hafid dit : « Les savants sont unanimes quant au fait que ce qui est pris en considération dans la détermination du mois de Ramadan est la vision du croissant lunaire »(bidayatou-l-moushtahid, livre du jeûne). De même, Cheikh Ibn Taymiyya a dit : « Le moyen de connaître l’existence du croissant lunaire est uniquement son observation […] Les textes sur le sujet sont nombreux et font l’objet d’un consensus de la part des musulmans. » (majmou3 al fatawa)
Les savants des quatre écoles sont unanimes pour dire que la base de la détermination du premier jour du mois de Ramadân est ce qui suit : « Le croissant sera guetté après le coucher du soleil du vingt-neuvième jour de Cha’bân. S’il est vu, le jour d’après sera le premier jour de Ramadan, et s’il n’a pas été vu, le jour d’après sera alors le trentième jour de Cha’ban et le jour d’après sera donc le premier Ramadan ».
Ainsi, le Hafîdh Waliyyou d-Dîn Al-’Irâqiyy décédé en l’an 826 H a dit : « La grande majorité des Chafi’ites suit cet avis. Le jugement n’est donc lié qu’à l’observation visuelle. » Puis il a dit : « Et c’est aussi l’avis de Malik, Abou Hanifah, Ach-Chafi’iyy et la grande majorité des savants du Salaf et du Khalaf ».
Ibnou ‘Abidîn, décédé en l’an 1252 H, a dit dans son commentaire du livre Ad-Dourr qui compte parmi les plus célèbres livres de savants Hanafites : « sa parole « on n’accorde pas de considération à la parole de ceux qui se basent sur le calcul » vise l’obligation de la détermination de commencer le jeûne pour les gens ». Puis il a dit : « Leur parole n’est pas prise en considération, et ce à l’unanimité, et il n’est pas permis à l’astronome de jeûner en se basant sur ses propres calculs ».
Les savants s’appuient notamment sur les ahadiths suivants : Selon Ibn ‘Abass (radhiAllahou ‘anhouma) le Prophète salallahou ‘aleyhi wa salam a dit : « Jeûnez lorsque vous voyez le croissant lunaire et rompez votre jeûne lorsque vous voyez le croissant lunaire, et si le temps est couvert, complétez le mois à 30 jours » rapporté par An-Nassaï (chapitre « compléter chaaban à 30 jours).
Et dans une autre version d’Abdullah Ibn ‘Abbas, le Prophète salallahou ‘aleyhi wa salam évoqua le mois de Ramadan et dit : « Ne jeûnez pas jusqu’à ce que vous voyez le croissant lunaire, et ne rompez pas votre jeûne jusqu’à ce que vous le voyez aussi (mois de shawal), et si le temps est couvert complétez le mois d’un trentième jour » rapporté par l’ Imam Malik (chapitre « ce qui est rapporté au sujet de la vision du croissant lunaire pour le jeûne), rapporté par Abu Dawud (chapitre « celui qui dit ‘si le temps est couvert, jeûnez 30 jours ») , rapporté par At-Tirmidhi (chapitre « le jeûne débute avec la vue du croissant lunaire et se rompt avec celle-ci »)
De même, selon Abou Hourayra (radhi Allahou ‘anhou), le Prophète salallahou ‘aleyhi wa salam a dit : « Jeûnez lorsque vous voyez le croissant lunaire et interrompez le jeûne lorsque vous voyez le croissant lunaire et si le temps est couvert jeûnez 30 jours » rapporté par An-Nassaï

La vision de la lune, une sagesse Prophétique

La mise en place de cette méthode correspond à une sagesse du Prophète salallahou ‘aleyhi wa salam et non pas seulement à un moyen lié à une époque. En effet, il convient de rappeler que les causes (al asbab) déterminant les règles juridiques (al ahkam) sont instaurées par Le Législateur (Allah et son Messager) et non pas par les juristes et les savants. De fait, la détermination du mois de Ramadan par le calcul astronomique est le résultat d’une interprétation des textes. La législation musulmane repose sur ce que la majorité des musulmans est en mesure de savoir et de comprendre. Il s’avère que la vision du croissant lunaire correspond à cette sagesse car elle est accessible de tous temps au plus grand nombrepermettant ainsi aux musulmans de déterminer avec facilité le début du mois de Ramadan. C’est bien d’ailleurs ce qu’a exprimé un juriste tel qu’Abou Bakr Ibn Al ‘Aribi Al Maliki dans son ouvrage Ahkamoul Quran : « La règle est rattachée à la vision car elle est possible pour l’ensemble des gens. C’est ainsi qu’Allah a rendu les causes des adorations obligatoires évidentes, or il n’y pas plus évident que le témoignage visuel car il est partagé aussi bien par le savant que l’ignorant, par l’esprit éveillé aussi bien que le distrait. »
Force est de constater que le calcul astronomique contredit cette sagesse n’étant pas accessible de façon aussi large.

Le calcul astronomique, une méthode minoritaire de tous temps

Comme cité précédemment, le calcul astronomique est le résultat d’une interprétation d’un hadith du Prophète salallahou ‘aleyhi wa salam dans lequel le Messager d’Allah salallahou ‘aleyhi wa salam après avoir expliqué comment déterminer le début du mois de Ramadan par la vision du croissant lunaire dit, dans le cas où la vision est impossible : « faqdirou lahou » (rapporté par les imams Boukhary, Muslim et Malik).
C’est la polysémie (ijmal) du terme (un mot ou expression qui peut avoir plusieurs sens) qui est le point de départ de cette divergence. Cependant les autres versions authentiques de ce hadith viennent éclairer le sens voulu par le Prophète dans l’emploi de ce terme notamment les ahadiths précédemment cités dans lequel le Prophète salallahou ‘aleyhi wa salam dit « complétez à 30 jours ». Il s’agit là d’un cas connu dans les règles du droit musulman où un texte dont le sens est polysémique (moujmal) est éclairé par un autre texte explicatif (moufassar) sachant que la règle en question stipule qu’un texte polysémique (moujmal) ne peut être rendu explicite que par celui qui l’a émis (Le Législateur), ce qui est le cas ici car le Prophète salallahou ‘aleyhi wa salam en donne l’explication (« complétez à 30 jours »). Ibn Rushd Al Hafid dit : « Il est nécessaire d’appliquer le texte moujmal au texte mouffassar. Il s’agit d’une règle qui ne souffre aucune divergence chez les juristes. » (bidayoul mushtahid). C’est ce raisonnement qui explique que l’avis majoritaire dans la détermination du mois béni est la vision du croissant lunaire et non le calcul.
De plus, l’argument consistant à dire que l’on pourrait se baser sur le calcul astronomique eut égard aux progrès de la science en la matière laissant ainsi croire que sa précision affaiblirait la méthode majoritaire n’est pas recevable. Effectivement, il s’agit là d’un raisonnement que chaque époque aurait pu tenir par rapport à la précédente puisque le progrès dans n’importe quel domaine que ce soit est toujours évolutif dans le temps et non spontané. Ainsi, le calcul astronomique était nécessairement plus précis à une époque donnée que celle l’ayant précédée. Malgré cela, les tenants de cette position sont toujours restés minoritaires parmi les juristes.
Nous aurons l’occasion inchaAllah de revenir sur d’autres points faibles sur lesquels le CFCM a fait reposer sa décision, mais l’on peut d’ores et déjà affirmer que le délaissement d’un avis juridique unanimement accepté par les savants et par les musulmans depuis des siècles pour un avis minoritaire et affaibli n’aurait dû être invoqué que par l’extrême nécessité. Or, vouloir aller dans le sens de l’intérêt des employeurs français voire de certaines institutions politiques au détriment de la Sunna ne nous semble en aucun cas nécessaire, donc non acceptable.

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